Le Phare,
Phoebus, de mauvais poil, couche,
Droit sur l'écueil:
S'allume le grand borgne louche,
Clignant de l'oeil.
Debout, Priade d'ouragan,
En vain le lèche
La lame de rut écumant ...
-Il tient sa mèche.
Il se mâte et rit de sa rage,
Bandant à bloc;
Fier bout de chandelle sauvage
Plantée au roc !
En vain sur sa tête chenue,
D'amont, d'aval,
Caracole et s'abat la nue,
Comme un cheval ...
Il tient le lampion au naufrage,
Tout en rêvant
Casse la mer, crève l'orage,
Siffle le vent.
Ronfle et vibre comme une trompe,
Diapason
D'Eole, il se peut bien qu'il se rompe;
Mais plier, non !
Sait-il son Musset: A la brune
Il est jauni
Et pose juste pour la lune
Comme un grand I.
...Là, gît debout une vestale
C'est l'allumoir.
Vierge et martyre, sexe mâle
C'est l'éteignoir.
Comme un lézard à l'eau de vie
Dans un bocal,
Il tirebouchonne sa vie
Dans ce fanal.
Est-il philosophe ou poète ?
Il n'en sait rien
Lunatique ou simplement bête?
ça se vaut bien.
Demandez lui donc s'il chérit
Sa solitude?
S'il parle, il répondra qu'il vit...
Par habitude.
Oh ! que je voudrais là, Madame,
Tous deux, veux tu ?
Vivre dent pour oeil, corps pour âme !
Rêve pointu.
Vous percheriez dans la lenterne:
Je monterais ...
Et moi: ci-gît, dans la citerne
Tu descendrais.
Dans le boyau de l'édifice
Nous promenant,
Et, du feu, sans artifice
Nous rencontrant.
Joli ramonage ... et bizarre,
Du haut en bas!
Entre nous ... l'érection du phare
N'y tiendrait pas ...
Tristan Corbière
"Les amours jaunes" 1873
A n'en point douter, l'aspect phalique du phare suggère à l'auteur la volonté de plaire.
Les phares, les menhirs et les coiffes Bigoudennes, autant d'images érectiles qui ne dissimulent en rien l'ardeur des Bigoudens.
A moi mes Seigneurs !!!