De nos jours, on constate un regain d'intérêt croissant pour la chevalerie, et ceci au sein de milieux très divers. Il n'est pas impossible que nos sociétés occidentales modernes, dominées entièrement par le "règne de la quantité" et soumises à l'hégémonie des marchands, parcourues de plus par des courants spiritualistes plus ou moins désordonnés et exaltés témoignant du besoin de retrouver un sens sacré à l'existance, ressentent obscurément la nostalgie de l'archétype chevaleresque: la figure d'un homme libre harmonisant l'action extérieure et la contemplation, médiateur entre la terre et le ciel. Tout à la fois enraciné dans le siècle , comme régulateur temporel et défenseur de l'ordre terrestre, et dépositaire d'une mission spirituelle sacralisante de justice et de paix, le "Miles Christi" (1) médiéval incarnait en effet un idéal: celui de l'homme héroïque reflétant le visage de l'Homme-Dieu, du Christ en tant que Cosmocrator ² , prêtre et roi à la fois. (...)
Redonner un sens à l'existence temporelle sans fuir pour autant le monde dans des rêveries néo-spiritualistes, spiritualiser la matière, plutôt que de s'engluer dans l'avidité des possessions ou s'avilir dans le vertige des pulsions animales; telle pourrait être l'aspiration profonde d'une humanité qui retrouverait dans l'intériorité du coeur l'inspiration divine authentique. Celle-ci lui apprendrait de nouveau à respecter les lois de la nature dans leur bonté et à soumettre la force à la sagesse afin de rendre gloire au Créateur dans son oeuvre et de transfigurer ainsi la vie quotidienne. N'est-ce point en effet par la Croix que l'axe horizontal terrestre peut s'ajuster sur l'axe vertical céleste ? (...) "
Gérard de Sorval
(préface pour "Rituels anciens des ordres de Chavalerie)