Vers le milieu du douzième siècle, l'obscure forêt de Brocéliande a caché un chef de secte doublé d'un fieffé brigand : Éon de l'Étoile. On doit la révélation de son existence à deux historiens du XIIe siècle: l'Anglais Guillaume de Neubrige et le Bavarois Othon de Freisingen.
Gentilhomme de bonne famille, Eudon (qui se fait appelé Éon) se retire près du château du Rox où il s'est construit un hermitage. Mais cette vie austère n'est pas faite pour lui. Il s'adonne au brigandage et entre en rébellion contre les autorités religieuses et temporelles. En cette époque d'extrême misère, le brigand n'a pas de mal à recruter des compagnons. Il installe sa troupe de malfrats près de la fontaine de Barenton. De là, les voleurs s'en vont piller et dévaster églises, monastères, châteaux et villages. On raconte que, de retour à Barenton, la troupe fait bombance. Les brigands mènent grande vie.
Éon s'adonne également à la magie. Il entretient commerce avec les esprits. D'après Guillaume de Neubrige, il opère des prestiges et des enchantements. Le peuple le regarde comme un puissant sorcier. Le seigneur de l'Étoile remet en cause le dogme catholique. Il se prétend fils de Dieu et se donne pour mission de juger les vivants et les morts. Voilà donc Éon chef de secte. Il revêt de riches ornements sacerdotaux qu'il a volés aux églises et aux monastères. Le grand prêtre dit la messe et sacre, pour sa secte, évêques et archevêques. Il donne à ses disciples des noms d'anges et d'apôtres.
La secte tisse sa toile. On trouve des Éonistes dans toute la Bretagne mais aussi en Gascogne.
L'hérésie d'Éon inquiète les autorités religieuses. Trahi, le "gourou" est arrêté en 1148 et conduit à Reims où le pape Eugène III tient concile. Devant le souverain pontife, le Breton brave les autorités religieuses. Il se réaffirme fils de Dieu, et tient à la main un bâton fourchu sur lequel sont tracées des figures cabalistiques.
Éon s'en tire bien. On le déclare comme fou, et le pape lui fait grâce de la vie et des membres ; la noblesse de ses origines joue peut-être en sa faveur. Emprisonné, il ne tarde pas à mourir. En revanche, on traite avec moins d'égards ses disciples. Ne voulant se rétracter, une trentaine d'entre eux sont condamnés au bûcher. Et il s'en suit une chasse aux Éoniens dans toute la Bretagne.