Une légende venant de Carnac:
"Er Kerioned : Les Korrigans (ou Kerions)"
"Les gens qui vivaient autrefois dans ce pays (Breih) étaient des Kerions, c'est-à-dire des petits hommes comme les nains. Ils logeaient dans les trous creusées dans les montagnes et dans les maisons faites de grosses pierres; les dolmens qui sont dans nos landes sont leurs demeures. Ils étaient forts et remuaient les grosses peirres comme nous remuons les petites aujourd'hui. Ils étaient tous sorciers et l'on venait les consulter de très loin. Les hommes exerçaient les métiers de Kaminir (tailleurs d'habits), et de Gou (foregerons). Leurs vêtements étaient faits de grosses toiles blanches. Cette race existe encore de nos jour, mais elle est très rare, et tend à disparaître. On ne les voit guère qu'au Sabbat. Les gens du pays, et il y en a toujours quelques uns qui vont au Sabbat, les connaissent bien. Ce sont eux qui dansent dans les prairies, où l'on voit les traces de cercles toujours inachevés, et où l'herbe est presque toujours plus foncée que dans les autres parties du champs, et sur lesquelles il ne faut jamais marcher de crainte de malheurs.
Pendant certaines nuits de l'année, surtout lorsqu'il y a un peu de lune, on entend les Kerions chanter et danser, toujours au son de la même chanson : Er lun, Er merh, har Er merhrer ; Er lun, Er merh, hag Er merhrer (le lundi, le mardi, et le mercredi).
Un samedi soir, un Kanimir bossu, revenant de son travail, entendit chanter et danser dans un champs voisin du chantier qu'il suivait ; il pénétra dans le champs et entra dans la danse. Fatigué d'entendre la même chanson, il rajouta : har Er ieù (et le jeudi).
- Tiens, dit celui qui semblais être le chef de la bande, celà va bien. Et tous reprirent en choeur : Er lun, Er merh, Er merhrer hag Er ieù ( le lundi, le mardi, le mercredi et le jeudi). Et tous trouvèrent que celà était parfait.
Il faut le récompenser dit l'un - Qu'allons nous lui donner ? demanda le chef . - Enlevons lui sa bosse, dirent-ils en choeur. Et sa bosse disparut. Au petit jour, le kaminir rentra chez lui tout joyeux. Le lendemain, dimanche, tous ses amis lui demandaient ce qu'il avait fait de sa bosse. Elle s'est envolée, disait-il, ne voulant pas dire qui la lui avait enlevée. Un tisserand (teisir) de ses voisin, bossu comme lui, lui demanda comment il s'était débarrassé de sa bosse. Le kaminir lui conta son aventure et l'engagea à faire de même.
Le teisir se mit à la recherche des Kerions, et les trouva dans un pré du voisinage. Il entra immédiatement dans la ronde, et lorsque les Kerions eurent achevé : Er lun, Er merh, Er merhrer hag Er ieù, il ajouta Er Guinir (et le vendredi). Ils répétèrent en choeur : Er lun, Er merh, Er merhrer, Er ieù hag Er guinir. Celà va mal, dit l'un d'eux - Très mal dit un autre - Celà ne peut aller, dirent-ils tous ensemble.
- Il faut le punir, dit l'un d'eux - Que faut-il lui faire ? dit le chef - Lui donner la bosse du kaminir, dirent-ils en choeur, et aussitôt, le teisir se retrouve surchargé d'une deusième bosse. Il rentra fort attristé chez lui, et n'osait plus sortir, ses clients et ses amis se moquaient de lui. Il fut si chagriné qu'il en mourrut avant la fin de l'année."