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 petite histoire de korrigans

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MessageSujet: petite histoire de korrigans   petite histoire de korrigans EmptyJeu 21 Juil - 15:20

Dans un petit village dont les chaumières ou plutôt les huttes , étaient bâtis entre la lande de Trehoranteuk et la forêt de Paimpont , à l'endroit où l'on trouve plus de pierre que l'on ne récolte de grains de blé, vivait il y a bien longtemps un pauvre vieux tenuyer ( tenancier ) . Il n'avait qu'une fille , une pauvresse , trop jolie pour sa condition , et trop évaporée pour une fille sans fortune . Elle employait les petits sous que gagnait son bonhomme de père à s'acheter des coiffes et des jupes brodées à Ploërmel , au lieu de rapporter du tabac au vieux journalier , mais pourvu que Paterne - elle s'appelait ainsi - eût de la toilette , le reste la touchait peu , tant son coeur était sec et vide .
Beaucoup de jeunes paysans , qui valaient bien mieux qu'elle , la recherchaient en mariage . Paterne faisait la difficile , promettait à l'un la préférence pour un ruban , à l'autre pour une paire de souliers , et les trompait toujours .
Dans une cabane voisine , sur la lande , habitait un jeune sabotier , sans parents ni biens , nommé Jacques Riou , simple de coeur et d'esprit , il soupirait aussi pour Paterne , mais jamais il n'avait osé le lui dire . Cent fois il avait suivi la fille du tenuyer dans les chemins creux , avec l'intention de lui causer . Par malheur notre niais se troublait en l'abordant , et ne pouvait lui dire que deux syllabes tout au plus , tant sa maudite langue s'embarrassait , en outre , il était borgne , et plus laid qu'un tailleur de Saint-Léry . On conçoit que sa conversation ne pouvait amuser Paterne .
Une fois cependant , Jacques Riou , réussit à passer la troisième syllabe et à faire comprendre qu'il voulait l'épouser vers la fauchaison .
La fille au lieu de rire , comme on pourrait le croire , écouta sérieusement la proposition .
- C'est bien , j'y consens , dit-elle , mais nous ferons la noce quand tu seras beau , et que ta langue pourra jaser couramment .
Jacques Riou qui trouvait le fils de sa mère assez joli garçon , fut ravi de cette réponse . Il se souvint alors que l'on disait des choses étonnantes d'un sorcier de Konkored , qui boiteux et bossu l'an passé était devenu , un beau jour , droit comme un paludier de Guérande , et cela tout simplement parce qu'il avait dansé , au clair de lune , avec les korils de Paimpont .
Notre borgne songea , dans sa pauvre cervelle ,que pour avoir ses deux yeux , et être tourné au gré de Paterne , il danserait bien trois nuits entières avec les korrigans . Il s'en fut donc le soir même trouver le sorcier de Konkored , et lui conta son histoire . Celui-ci moyennant un écu de bel argent que Riou avait économisé pour avoir un chapeau neuf , lui défila tout son chapelet , en buvant trois pots de cidre . Alors le sorcier , tailleur de son état , et jovial comme les gens de son métier , lui dit entre deux chopines :
- Vois-tu , mon petit Riou , quand la lune brillera sur les landes de Tréhoranteuk , tu iras à minuit au village des korrigans . Tu ... tu ... comprends , mon mignon , dit le sorcier au trois quarts ivre .
- Je comprends , répondit le borgne .
- Ne t'effraie pas des cris que pousse les korni ... les korni-kaneds , ajouta le tailleur , tu auras soin d'éviter les bois ... et d'aller toujours ... toujours par les landes .
- J'irai sur les lande , dit Riou .
- Bientôt tu entendras , de tous les côtés , crier haw , haw ,haw ... et tu verras arriver des milliers de petits nains venus au monde quand le charbon était en fleur... ouff ... dit le sorcier en baillant ... Pour lors tu t'arrêteras , mon mignon , les korils chanteront tout à l'entour de toi : lundi , mardi , mercredi ... et tu leur offriras poliment de conduire la .. la danse .
- Je conduirai la danse , répéta le borgne , après ...
- Après , tu finiras la chanson en ajoutant les autres jours de la semaine , et les nains seront si contents qu'ils te diront de faire un souhait ... Tu comprend ...
- Oui , je ferai un souhait , dit Jacques Riou enchanté , si bien qu'avant de s'en aller , il donna au tailleur , en sus de son écu , une pièce de deux sous qu'il gardait pour ses menus plaisirs .
Le lendemain à minuit ,comme la lune éclairait les bruyères , le sabotier se mit en marche sur la lande de Tréhoranteuk . Ce que lui avait annoncé le sorcier arriva en tous points : les korni-kaneds faisaient un tapage effroyable dans les bois , cependant le chercheur d'aventures continua son chemin . Arrivé près des menhirs et des dolmens qui ressemblaient à autant de géants , les uns debout , les autres couchés , il entendit la musique des korrigans : Haw , haw , haw ...
- Voila les petits duz de la nuit , pensa Riou , En effet , il vit une foule de petits nains noirs et velus qui lui barraient le passage . Il s'arrêta , en même temps , la bande joyeuse se mit à sauter en cercle autour de lui , en criant à tue tête :
- Tu vas la danser , Riou , tu vas la danser .
Ce qui voulait dire "nous allons joliment te tracasser ".
- Bonsoir , Duzigou , mes petits , leur dit le borgne en tirant son chapeau .
Le bal commença à l'instant , et les nains de crier en se trémoussant comme des damnés :
Dilun , dimeurs , dimerc'her ,
Ha diriaou ( diziou ) , ha digwéner ,
( Lundi , mardi , mercredi ,
Et jeudi , et vendredi , )
Ils tournoyaient aussi vite que la roue d'un moulin ,par un grand vent . Riou , entraîné par la ronde infernale , tournait , tournait à perdre haleine , tellement qu'il tomba sur le dos ... mais les nains , qui voulaient rire encore , le relevèrent tout étourdi , et l'assirent sur un tas de lande .
- Doucement , mes petits moricauds , lassez-moi souffler un peu , s'il vous plaît .
- Souffle donc à ton aise , et puis tu chanteras avec nous :
Lundi , mardi , mercredi ,
et jeudi , et vendredi ,
- Et samedi ( disadorn ) aussi , c'est fini , ajouta en balbutiant le pauvre essoufflé .
A ces mots la ronde recommença avec des cris frénétiques :
- Samedi , samedi , ce n'est pas fini , achève , achève , maudit borgne .
Riou essaya de nouveau et ne put dépasser le samedi . Les korrigans devinrent furieux , et plus ils criaient au sabotier : " Achève , achève , encore ,encore ," moins le pauvre homme comprenait leur idée . Enfin les cris s'apaisèrent peu à peu , et les nains ayant entouré Jacques Riou , lui dirent de former un souhait .
- Je demande ... je veux , reprit le borgne qui avait perdu la boule , je veux comme le sorcier de Konkored .
- Explique-toi mieux , dirent les malins en trépignant .
- Je vous demande ce qu'il a eu ... la ... beauté .
Un cri de gaîté diabolique couvrit la voix du misérable , et la dernière syllabe ne fut pas entendue .
Les nains achevèrent tous à la fois .
- Bosse , bosse ... tu vas être servi à l'instant cher ami .
La-dessus le bal recommença par une ronde furieuse . Jacques Riou fut alors poussé , ballotté , secoué par mille petites mains de fer qui le faisait pirouetter comme une toupie , jusqu'à ce que épuisé de fatigue et de peur , il tombât anéanti sur la terre .
Lorsqu'il revint à lui , la lande était solitaire et sombre , les korrigans avaient disparus . Riou ne put se relever sans peine ,tant ses membres étaient moulus et disloqués , et de plus il portait sur le dos un poids dont il ne pouvait se rendre compte . Le malheureux était bossu , bossu comme le reste de ses jours . Les nains ayant compris , ou fait mine de comprendre , qu'il demandait une bosse , tandis qu'il voulait obtenir la beauté , lui avait appliqué , entre les épaules , la bosse du sorcier Konkored .
Riou revint tout penaud au village , et n'osant plus se montrer à la grand-messe de sa paroisse , il alla chercher son pain du côté de Saint-Meen et de Gaël . Le sorcier rit dans son mauvais coeur de l'aventure du pauvre borgne , et ne voulut pas lui rendre son argent . On ajoute que peu de temps après , il alla danser encore avec les korrigans , pour finir leur chanson en y ajoutant :
Et puis dimanche aussi
voilà la semaine est finie .
Ainsi les nains furent délivrés de leur peine par ces paroles , et donnèrent en récompense au sorcier la fortune qu'il demanda , ce qui lui permit d'épouser la belle Paterne .
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